Projet dâune vie, celle dâAlbert Kahn (1860-1940) un riche banquier philanthrope, le musée dédié à ses collections de photographies et de films offre un croisement de regards afin dâobserver le monde aujourdâhui. Construction dâun nouveau bâtiment avec une façade métallique tournée vers la ville, façade japonaise donnant sur le jardin, réhabilitation de 8 bâtiments historiques et mise en valeur du somptueux jardin de 4 hectares en plein cÅur de Boulogne-Billancourt, telle est lâampleur du projet.
Le chantier de rénovation est principalement composé de la construction dâun élégant bâtiment de 2300 m², qui sert dâécrin aux collections dâAlbert Kahn sur le premier niveau et à lâétage un parcours consacré à des expositions temporaires qui ont vocation à apporter un regard croisé sur le monde contemporain. Il est lâÅuvre du cabinet japonais dâarchitecture Kengo Kuma et Associates qui a été retenu à lâissue dâun concours dans lequel cinq projets concourraient. Pour lâinstant une librairie boutique et un salon de thé ont ouvert leurs portes, en attendant le futur restaurant qui prendra place sur le toit. La façade extérieure côté jardin est faite de bois et dâaluminium avec des inclinaisons différentes pour que le jardin soit intégré, notamment grâce à une toiture inclinée vers la ville. Elle réinterprète le principe de lâEngawa, sorte de bande de circulation périmétrique issue de la tradition japonaise et sâhabille de lames horizontales de bois et de métal qui filtrent la vue depuis le jardin, en offrant des scènes paysagères propices à la contemplation et à la déambulation.
Fils dâun marchand de bestiaux alsacien, Albert Kahn fait fortune dans les affaires minières et ouvre sa propre banque à Paris en 1898. Il oriente alors ses placements financiers vers lâExtrême orient et notamment le Japon qui lui permettra de nouer des contacts étroits avec l’ambassadeur du Japon à Paris et la famille impériale, qu’il recevra plus tard dans ses propriétés.
En 1895, il achète à Boulogne une maison entourée de quatre parcelles de terrain, et rachète progressivement une vingtaine de parcelles jouxtant sa propriété jusqu’à devenir propriétaire de quatre hectares de terrain. Câest alors quâil fait appel au célèbre paysagiste Achille Duchêne pour dessiner un ensemble de jardins thématiques comme le jardin japonais avec son pont rouge, un jardin anglais, un jardin à la française avec des buis taillés et une serre, ainsi quâune forêt vosgienne lui évoquant son enfance, plantée dâépicéas, de pins et de sapins. L’ensemble de ce parc paysager symbolise le monde en paix souhaité par Albert Kahn.
Dès 1898, Albert Kahn lance son premier mécénat destiné à de jeunes étudiants, garçons et filles, et consistant en bourses de voyage « Autour du Monde » pour découvrir une année durant les autres pays de la planète et leur permettant ainsi d’enrichir leur connaissance directe du monde. Philanthrope, le but de sa collection soigneusement archivée pour les générations futures était dâenvisager un monde pacifique. En observant lâévolution des modes de transport, les vêtements du quotidien du XIXe siècle qui prennent petit à petit le statut de costumes folkloriques, lâarchitecture et de lâévolution de lâhabitat, Albert Kahn sâavère un remarquable observateur des traditions et coutumes de la fin du XIXe siècle jusquâau début de la deuxième guerre mondiale.
A partir de 1908, Albert Kahn voyage de longs mois au Japon et en Chine, via les Etats-Unis et fait prendre par son mécanicien-chauffeur, ingénieur de formation, Alfred Dutertre, plus de 4000 clichés. Puis il repart en 1909 en Amérique du Sud pour visiter lâUruguay, lâArgentine et le Brésil, toujours accompagné dâun photographe professionnel, Auguste Léon, qui prend comme Dutertre des plaques stéréoscopiques en noir et blanc mais expérimente aussi la plaque autochrome de 9 x 12 cm. Cette première technique industrielle de photographie couleurs produit des images positives sur plaques de verre à partir de grains de fécule de pomme de terre teints en rouge, vert et bleu, et fixés par de la résine. Le musée Albert Kahn regroupe quelque 72 000 autochromes, de 9 x 12 cm pour les plus petites et 13 x 18 cm pour les plus grandes et une centaine d’heures de film qui seront rapportés d’une soixantaine de pays. Extrêmement fragiles, le musée a choisi de mettre en scène des fac-similés qui sont traversés de lumière derrière un écran perforé sous forme de rétroéclairage. Cette collection unique est comparable à celle du National Geographic. Albert Kahn sâest toujours effacé au profit de son Åuvre.
Marqué par la guerre de 1870, et affecté par la tragédie de la Première guerre mondiale, Albert Kahn sera sa vie durant très engagé dans le dialogue international et la paix.
Musée départemental Albert-Kahn
2, rue du Port
92100 Boulogne-Billancourt
Du mardi au dimanche, de 11h00 Ã 19h00
www.albert-kahn.hauts-de-seine.fr