Chloroquine et coronavirus : effets indésirables, mécanisme d’action



La chloroquine pourrait bientôt être autorisée aux patients atteints de formes graves du coronavirus même si elle est associée à plusieurs effets secondaires, notamment cardiaques. Comment agit-elle ? Quelles doses et précautions ? Et chez les femmes enceintes ? Découvertes.

Médicament dont on ne connaissait pas le nom il y a encore quelques semaines, la chloroquine est désormais sur toutes les lèvres à cause de l’épidémie de coronavirus qui sévit en France. De même que son dérivé, l’hydroxychloroquine. Mais que cachent ces médicaments ? Comment agissent-ils ? Quels sont leurs risques ? Quels effets sur le virus Sars-Cov-2 ? Découvertes.

La chloroquine est un médicament indiqué dans le traitement et la prévention du paludisme (malaria) mais aussi en rhumatologie et en dermatologie pour traiter la polyarthrite rhumatoïde et certains lupus. Elle existe sous forme de comprimés et s’administre par voie orale. La chloroquine est commercialisée seule sous le nom de Nivaquine® et en association avec du Proguanil chlorhydrate sous le nom de Savarine®. La chloroquine a été découverte en 1934 par des chercheurs allemands. 

L’hydroxychloroquine est une molécule dérivée de la chloroquine dont la structure est chimiquement proche, les propriétés sont  communes mais l’hydroxychloroquine ne possède pas d’indication dans le traitement du paludisme en France. Elle est utilisée depuis de nombreuses années dans le traitement de certaines pathologies auto-immunes sous le nom de Plaquenil®. Ce médicament est indiqué chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde et de lupus érythémateux. On l’utilise aussi pour prévenir les allergies provoquées par le soleil (lucites). Il s’administre par voie orale et se présente sous forme de comprimé à prendre à la fin des repas. La posologie et la durée du traitement varient en fonction des troubles présentés. Ce médicament est contre-indiqué chez les enfants de moins de 6 ans, pendant l’allaitement et en cas de maladie de la rétine (rétinopathie).

La chloroquine serait-elle le traitement miracle du coronavirus ? Un article paru dans le journal Cell Research le 4 février a démontré que la chloroquine empêchait les étapes d’entrée et de sortie du virus Sars-CoV-2 dans des cellules cultivées in vitro (dans un tube), stoppant ainsi efficacement sa réplication et sa propagation. Plusieurs essais cliniques chinois ont par ailleurs prouvé sa bonne tolérance. Le 19 février, les auteurs d’une lettre publiée dans Bioscience Trends ont mentionné une apparente efficacité et une tolérance acceptable de ce traitement aux vues des données, encore non publiées, de 15 études cliniques dans 10 hôpitaux de Wuhan, Jingzhou, Guangzhou, Beijing, Shanghai, Chongqing, et Ningbo. Selon le Pr Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection de Marseille (Bouches-du-Rhône), la chloroquine est LE remède pour soigner les malades du coronavirus. Il l’a administré le 16 mars 2020 à 20 patients malades de son service à raison de 600 mg d’hydroxychloroquine par jour associés à de l’azithromycine (antibiotique de la famille des macrolides).

6 jours après la prise d’hydroxychloroquine, seuls 25 % des malades du coronavirus étaient encore porteurs du virus.

Six jours après, l’infectiologue indiquait que seuls 25 % d’entre eux étaient encore porteurs du virus, quand 90% de ceux qui n’avaient pas reçu le traitement étaient toujours positifs. “Notre enquête montre que le traitement par l’hydroxychloroquine est significativement associée à la réduction/disparition de la charge virale chez les patients COVID-19 et ses l’effet est renforcé par l’azithromycine” explique-t-il dans ses conclusions. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé samedi 21 mars le lancement d’un essai baptisé Discovery et coordonné par l’Inserm visant à expérimenter l’efficacité de quatre traitements dont la chloroquine sur 3200 malades du coronavirus en Europe dont 800 Français. Le premier du genre puisqu’à ce jour, les effets de la chloroquine n’ont pas été observés sur autant de sujets. Pour le Pr Raoult, il ne faut pas attendre ces résultats pour le donner en masse aux patients qui en ont besoin. Ils le donnent ainsi à ses malades à Marseille. Le 23 mars, Olivier Véran a annoncé prendre un arrêté “encadrant la prescription de chloroquine, qui sera possible, au cas par cas, pour les malades graves hospitalisés et sur décision collégiale des médecinsajoutant que “la recherche clinique se poursuit”. Face à lui, d’autres scientifiques comme le Pr Olivier Schwartz, directeur scientifique de l’Institut Pasteur se disent encore réservés et conseillent d’attendre les résultats du fameux essai et le feu vert des autorités sanitaires, soulignant que la chloroquine serait associée à de nombreux effets secondaires, notamment cardiaques.

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La chloroquine n’agit pas directement sur le virus, mais sur les cellules infectées elles-mêmes par le virus, en diminuant leurs capacités infectieuses. Elle pourrait également avoir un effet négatif sur la liaison entre le virus et son récepteur sur les cellules à infecter. Après une prise orale, la chloroquine est absorbée au niveau de l’intestin grêle de façon rapide et pratiquement complète. Le pic de concentration dans le sang est atteint en moyenne entre 2 et 6h après la prise.

Contre le paludisme, le traitement préventif à base de chloroquine doit débuter le jour du départ vers une zone affectée par la maladie. Il doit être maintenu pendant toute la durée du séjour jusqu’à la fin du voyage, y compris pendant les 4 semaines suivantes. La dose recommandée dépend de l’âge et du poids du sujet. Concernant le coronavirus, le Pr Raoult l’avait administrée à raison de 600mg par jour dans son essai.

>> Voir la posologie de la Nivaquine

>> Voir la posologie du Plaquenil

Les effets indésirables de la chloroquine (donc de ses médicaments Nivaquine® et Plaquenil® quand il s’agit de l’hydroxychloroquine) sont nombreux d’où la méfiance de certains médecins et scientifiques quant à sa délivrance massive à des patients atteints du Covid-19 avant la fin de l’essai Discovery. Parmi ceux-ci, on constate principalement :

  • des troubles digestifs avec nausées, vomissements et diarrhées ;
  • des réactions allergiques ;
  • des insomnies, une dépression, agitation, anxiété, agressivité, troubles du sommeil, confusion, hallucination.
  • des maux de tête, des étourdissements, convulsions ;
  • des troubles de la vue avec une vision floue. De rares cas de rétinopathies liées à l’accumulation de la molécule ont été observés. 
  • des démangeaisons.
  • des douleurs locales, ressemblant à des brûlures, picotements, ou décharges électriques au niveau des mains et des pieds.
  • des hypoglycémies (d’où une méfiance de rigueur chez les patients diabétiques)
  • des affections hépatobiliaires : hépatite survenant notamment chez les patients porteurs d’une porphyrie cutanée tardive.

Le chloroquine peut entraîner de graves arythmies et cardiomyopathies.

Mais aussi et c’est ce qui inquiète beaucoup : des effets cardiovasculaires. En 2004, des chercheurs de Toulouse avançaient que la chloroquine, antimalarique le plus utilisé au monde, était à l’origine d’intoxications aiguës graves surtout dans les zones touchées par le paludisme, plus rarement en Europe. “Leur sévérité est essentiellement liée aux troubles cardiovasculaires provoqués par son action quinidine-like” arguaient-ils. Ce qui veut dire que la chloroquine agit comme la quinidine, un médicament qui a la même action qu’un antiarythmique. Elle peut alors entraîner des troubles de la conduction. Des cas d’arythmies graves ont été rapportés lors de surdosage mais aussi à dose thérapeutique. Ces molécules peuvent aussi provoquer des cardiomyopathies (maladies touchant le muscle cardiaque). La toxicité cardiaque de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine est dose-dépendante et des cas.

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La chloroquine est commercialisée sous plusieurs noms, notamment Nivaquine®. Nivaquine® est un médicament utilisé pour le traitement préventif et curatif du paludisme. Il est également prescrit en rhumatologie et dermatologie pour des maladies chroniques. Ses indications sont :

  • le traitement préventif et curatif du paludisme ;
  • la polyarthrite rhumatoïde en traitement au long cours ;
  • les différentes formes de lupus érythémateux (maladie auto-immune) ;
  • la prévention des lucites.

Les doses administrées sont variables en fonction des indications. Les comprimés doivent être pris de préférence après les repas du matin ou du midi, en raison des risques de troubles digestifs ou d’insomnie.

De nombreuses interactions médicamenteuses existent avec les médicaments à base de chloroquine comme le Nivaquine®. Il faut en tenir compte avant la prescription. Il est également nécessaire de faire une surveillance ophtalmologique rapprochée chez les patients traités au long cours. Un contrôle régulier des fonctions hépatiques et rénales est recommandé. Concernant la co-prescription de chloroquine ou d’hydroxychloroquine avec l’azithromycine à des patients atteints du Sars-CoV-2 (virus responsable du Covid-19), une surveillance cardiaque du patient est nécessaire.

Les principales contre-indications à l’utilisation de la chloroquine sont :

  • l’hypersensibilité à la chloroquine ;
  • les affections de la rétine (rétinopathies) ;
  • l’allergie au gluten (maladie cœliaque).
  • Allaitement, grossesse.

Grossesse

Les données d’exposition actuellement disponibles n’ont pas mis en évidence de risques de malformations foetales avec la chloroquine mais il existe un risque génotoxique potentiel (lésions dans l’ADN qui peuvent entraîner des mutations). L’utilisation de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine est ainsi déconseillée pendant la grossesse, à moins que la situation clinique justifie l’utilisation du traitement au regard des risques potentiels encourus pour la mère et le fœtus.

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Interactions médicamenteuses

Il faut également prendre en compte certaines interactions médicamenteuses (listées par l’Agence nationale du médicament) avant de prescrire de la chloroquine, en raison de la survenue possible de troubles cardiaques graves :

→ Associations contre-indiquées avec le citalopram ou l’escitalopram, la dompéridone, l’hydroxyzine ou la pipéraquine.

→ Associations déconseillées avec les anti-arythmiques de classe IA et III, les antidépresseurs tricycliques, les antipsychotiques et certains anti-infectieux (macrolides, fluoroquinolones). L’association de chloroquine ou d’hydroxychloroquine avec l’azithromycine est susceptible d’exposer les patients à des troubles du rythme cardiaques d’où la prudence de certains spécialistes sur les essais du Pr Raoult chez les patients Covid-19 positifs.

La chloroquine et l’hydroxychloroquine sont deux médicaments disponibles en France uniquement sur prescription médicale (Liste II).

Le Nivaquine 100 mg – 2 plaquettes de 10 comprimés – est vendu 3,16 euros et remboursé à 65%.

Le Plaquenil 200 mg – 30 comprimés est vendu 5,19 euros et remboursé à 65%.

Sources :

  • Targeting Endosomal Acidification by Chloroquine Analogs as a Promising Strategy for the Treatment of Emerging Viral Diseases Md Abdul Alim Al-Bari PMID: 28596841 PMCID: PMC5461643
  • Remdesivir and chloroquine effectively inhibit the recently emerged novel coronavirus (2019-nCoV) in vitro PMID: 32020029
  • Breakthrough: Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated pneumonia in clinical studies.
  • Expert consensus on chloroquine phosphate for the treatment of novel coronavirus pneumonia PMID: 32075365
  • Chloroquine et hydroxychloroquine; Point d’information à destination des professionnels de santé; Réseau français des Centres régionaux de Pharmacovigilance – 22 mars 2020;



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